Transformer l’avenir de la médecine
Il y a quelques années encore, on parlait de l’avenir prometteur de l’intelligence artificielle (IA); aujourd’hui, celle-ci est devenue une réalité tangible. En faisant face à la complexité des défis mondiaux en matière de soins de santé, l’IA apparaît non seulement comme un outil, mais aussi comme une force de transformation qui refaçonne la prestation des soins de santé.
Les avancées dans le domaine de la technologie de l’IA présentent des possibilités inédites de révolutionner le secteur des soins de santé, le rendant plus efficace, plus accessible et plus économiquement durable. En favorisant l’intégration de l’IA au moyen de politiques appropriées, nous pouvons renforcer l’équité, améliorer les soins, et veiller à ce que les nouvelles technologies ainsi que les nouveaux traitements et médicaments bénéficient à l’ensemble de la société:
- l’IA peut faciliter l’allocation efficace de ressources en matière de soins de santé. La modélisation prédictive peut prévoir l’admission des patients et optimiser l’utilisation des lits d’hôpitaux ainsi que le recours au personnel et aux équipements. Les ressources sont alors disponibles quand et où elles sont le plus nécessaires, réduisant le gaspillage et améliorant la qualité des soins;
- l’IA a également le potentiel de relever certains des défis les plus urgents en matière de soins de santé, tels que l’augmentation des coûts, les inefficacités et la demande de soins de plus haute qualité;
- l’IA peut réduire les coûts et rationaliser les tâches administratives, telles que la programmation des rendez-vous, la facturation et la gestion des dossiers médicaux électroniques, en automatisant et en optimisant les opérations. Cela allège le travail des professionnels des soins de santé et leur permet de se concentrer davantage sur les soins aux patients;
- en ce qui concerne le diagnostic, l’IA améliore son exactitude et permet une détection précoce, ce qui signifie souvent des options de traitement moins invasives et d’un rapport coût-efficacité plus satisfaisant;
- les plans de traitement personnalisés et fondés sur l’IA peuvent compléter les approches traditionnelles en proposant des soins plus ciblés et plus efficaces, en améliorant les résultats au bénéfice des patients tout en contribuant à réduire la charge financière pesant sur les systèmes de soins de santé.
Applications pratiques de l’IA dans la pratique clinique:
- détection précoce de la septicémie: les systèmes d’IA déployés dans les unités de soins intensifs peuvent prévoir l’apparition de la septicémie, potentiellement mortelle, et ce plusieurs heures avant l’apparition de symptômes cliniques, ce qui permet une intervention rapide;
- détection du cancer du sein fondée sur l’IA: les systèmes d’IA utilisés dans le dépistage par mammographie peuvent identifier avec une précision remarquable des signes précoces de cancer du sein, dépassant souvent les capacités des radiologues humains.
L’IA transforme le secteur pharmaceutique tout au long du cycle de vie des médicaments, depuis la découverte et le développement des médicaments jusqu’à la pharmacocinétique, à l’évaluation, à la fabrication, à la mise sur le marché, à l’approbation et à la pharmacovigilance.
En matière de découverte de médicaments, l’IA accélère le processus en définissant les cibles et en optimisant la conception des médicaments. Au cours du développement des médicaments, l’IA améliore les formulations et facilite la personnalisation des médicaments. En matière de pharmacocinétique, les prédictions fondées sur l’IA aident à déterminer le dosage optimal, tandis que, lors des essais cliniques, l’IA aide à la stratification des patients, à l’élaboration de jumeaux numériques et à la réalisation de simulations d’essais. L’IA est utile pour la fabrication de médicaments grâce à l’automatisation et à l’amélioration du contrôle de la qualité.
En outre, l’IA rationalise l’autorisation des médicaments et la pharmacovigilance en rendant possibles les soumissions numériques et en analysant des données réelles afin de détecter les signaux de sécurité à un stade précoce. Ces avancées réduisent considérablement les délais et les coûts en rationalisant la recherche, en optimisant les processus et en minimisant les échecs lors des essais cliniques, accélérant ainsi la production de médicaments sûrs et efficaces.
La réforme de la législation pharmaceutique de l’UE joue un rôle important:
- elle prévoit la soumission électronique des demandes;
- elle utilise des données probantes et des données de santé du monde réel à des fins réglementaires;
- elle clarifie le lien avec les dispositifs médicaux et d’autres produits;
- elle introduit le concept de cadres adaptés et de bacs à sable réglementaires.
Ces avancées créent un environnement réglementaire qui soutient les innovations fondées sur l’IA dans le domaine des médicaments, en permettant une plus grande innovation, une intégration efficace des données, une prise de décision éclairée en matière de réglementation et une gestion efficace du cycle de vie des produits. Au-delà de la pratique clinique, l’IA stimule l’innovation dans le domaine de la santé publique.
L’analyse prédictive permet d’identifier des schémas et des tendances, ce qui permet des interventions précoces et des stratégies de prévention. Par exemple, l’IA peut prévoir les épidémies de maladies en analysant divers jeux de données, ce qui permet des réponses ciblées et en temps utile en matière de santé publique, atténuant la propagation des maladies et réduisant leur incidence économique.
Lors de l’intégration de l’IA dans les soins de santé, il convient de rester concentré sur l’objectif général: tirer parti de cette technologie transformatrice pour fournir des soins équitables et de qualité à tous. Grâce aux politiques et aux innovations appropriées, l’IA a le potentiel de favoriser un avenir plus sain et plus durable pour tous.
Défis liés à l’intégration de l’IA dans les soins de santé
L’intégration de l’IA dans les soins de santé apporte son propre lot de défis. Plusieurs composantes essentielles sont nécessaires pour réussir la transformation numérique, en particulier pour faire progresser l’IA. Afin d’exploiter pleinement le potentiel de l’IA, il est également fondamental de renforcer la confiance dans l’IA et son acceptation dans la prestation des soins de santé, ainsi que de relever les défis liés à son déploiement dans la pratique clinique. Il s’agit notamment de garantir l’accès à des données de santé de haute qualité, de prévoir des mesures visant à encourager l’innovation en matière d’IA et de veiller à ce que les systèmes d’IA utilisés en médecine soient à la fois sûrs et fiables.
En outre, il est capital pour l’adoption de l’IA de garantir un financement durable, en particulier dans les hôpitaux publics, ainsi que d’intégrer l’IA dans les flux de travail cliniques — non seulement en tant qu’outil supplémentaire, mais aussi dans le cadre d’un processus de soins redéfini et plus efficace. Il est tout aussi important de mettre en place un cadre solide permettant aux victimes de demander effectivement réparation aux fabricants en cas de préjudice causé par des produits défectueux, y compris par des systèmes d’IA.
La législation de l’UE qui façonne l’IA dans le domaine des soins de santé
Le règlement sur l’IA
Le règlement européen sur l’intelligence artificielle (règlement sur l’IA) est entré en vigueur le 1er août 2024. Il vise à favoriser un développement et un déploiement responsables de l’intelligence artificielle dans l’UE. Les systèmes d’IA à haut risque, tels que les logiciels fondés sur l’IA et destinés à des fins médicales, doivent respecter plusieurs exigences, notamment en ce qui concerne les systèmes d’atténuation des risques, les jeux de données de haute qualité, la fourniture d’informations claires à l’utilisateur et le contrôle humain.
En outre, la Commission prévoit de finaliser un code de bonne pratique à l’intention des fournisseurs de modèles d’intelligence artificielle à usage général d’ici avril 2025. Ce code, prévu par le règlement sur l’IA, portera sur des domaines critiques, tels que la transparence, les règles relatives au droit d’auteur et la gestion des risques. Les dispositions relatives aux modèles d’IA à usage général s’appliqueront 12 mois après l’entrée en vigueur du règlement sur l’IA.
Un Bureau européen de l’IA a été créé, qui est le centre d’expertise en matière d’IA dans l’ensemble de l’UE. Le Bureau de l’IA joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre du règlement sur l’IA — en particulier l’IA à usage général — en favorisant le développement et l’utilisation d’une IA digne de confiance, ainsi que la coopération internationale. Le Bureau de l’IA supervisera la mise en œuvre et l’application des dispositions du règlement sur l’IA relatives aux modèles d’IA à usage général.
Le règlement sur l’IA vise à prévoir, à l’attention des développeurs et déployeurs d’IA, des exigences et des obligations claires pour certaines applications d’IA tout en s’efforçant également de minimiser les charges administratives et financières, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME).
Le règlement sur l’IA s’inscrit dans un ensemble plus large de mesures stratégiques visant à soutenir le développement d’une IA digne de confiance, y compris le train de mesures sur l’innovation en matière d’IA et le plan coordonné dans le domaine de l’IA. Ensemble, ces mesures garantissent la sécurité et les droits fondamentaux des personnes et des entreprises concernant l’IA. Elles renforcent également l’adoption de l’IA, ainsi que l’investissement et l’innovation en matière d’IA dans l’ensemble de l’UE.
Le règlement sur l’IA est entré en vigueur le 1er août 2024 et sera pleinement applicable après deux ans, à quelques exceptions près: les interdictions prendront effet au bout de six mois, les règles de gouvernance et les obligations relatives aux modèles d’IA à usage général deviendront applicables après 12 mois et les règles relatives aux systèmes d’IA - intégrés dans des produits réglementés - s’appliqueront après 36 mois.
Afin de faciliter la transition vers le nouveau cadre réglementaire, la Commission a lancé le pacte sur l’IA. Cette initiative volontaire vise à soutenir la mise en œuvre future et invite les développeurs d’IA d’Europe et d’ailleurs à se conformer aux obligations essentielles du règlement sur l’IA avant l’échéance prévue.
Le règlement relatif à l’espace européen des données de santé (EHDS)
Le développement et le déploiement de l’IA en médecine nécessitent l’accès à des données de santé diversifiées et de haute qualité afin de garantir l’exactitude, la robustesse et l’équité entre les différentes populations. L’espace européen des données de santé (EHDS) joue un rôle essentiel de facilitateur en permettant l’utilisation secondaire des données de santé électroniques pour la recherche et l’innovation.
En permettant l’entraînement, l’essai et l’évaluation des algorithmes — y compris ceux utilisés dans les dispositifs médicaux, les outils de diagnostic in vitro, les systèmes d’aide à la décision clinique fondés sur l’IA et les applications de santé numérique — l’EHDS contribuera à faire progresser les solutions d’IA de pointe tout en garantissant le respect des normes en matière de protection des données et d’éthique. Cet accès structuré aux données de santé stimulera non seulement l’innovation, mais renforcera également la sécurité des patients et l’équité en matière de soins de santé fondés sur l’IA.
L’espace européen des données de santé (EHDS) sera un pilier essentiel d’une union européenne de la santé qui soit forte et est le premier espace de données commun de l’UE dans un domaine spécifique à découler de la stratégie européenne pour les données. Le règlement relatif à l’espace européen des données de santé est entré en vigueur en 2025. Ce dernier:
- donne aux citoyens les moyens de maîtriser leurs données de santé et de faciliter l’échange de données pour la prestation de soins de santé dans l’ensemble de l’UE (utilisation primaire des données);
- promeut un véritable marché unique des systèmes de dossiers médicaux électroniques;
- met en place un système cohérent, fiable et efficace pour la réutilisation des données de santé à des fins de recherche, d’innovation, d’élaboration des politiques et de réglementation (utilisation secondaire des données).
Ce faisant, l’EHDS permet à l’UE de tirer pleinement parti du potentiel offert par un échange sûr et sécurisé, ainsi que de l’utilisation et de la réutilisation des données de santé au bénéfice des patients, des chercheurs, des innovateurs et des régulateurs.
La confiance est un facteur fondamental du succès de l’espace européen des données de santé. Ce dernier fournira un cadre fiable pour un accès sécurisé et pour le traitement d’un large éventail de données de santé. Il s’appuie sur les actes législatifs suivants:
- Règlement général sur la protection des données (RGPD)
- Règlement sur la gouvernance des données
- Règlement sur les données
- Directive sur la sécurité des réseaux et des systèmes d’information
Ces cadres horizontaux prévoient des règles qui s’appliquent au secteur de la santé. Toutefois, l’espace européen des données de santé fournira des règles sectorielles spécifiques tenant compte de la sensibilité de ces données.
Directive sur la responsabilité du fait des produits
La nouvelle directive sur la responsabilité du fait des produits actualise et adapte les règles de l’UE en matière de responsabilité pour les nouvelles technologies, garantissant une meilleure protection des victimes et une plus grande sécurité juridique pour les opérateurs économiques.
La directive sur la responsabilité du fait des produits permet aux victimes de demander réparation auprès des fabricants lorsqu’elles subissent des dommages causés par un produit défectueux.
Cette directive repose sur deux grands principes:
- le fabricant doit compenser le dommage causé par l’un de ses produits défectueux;
- la victime doit prouver la défectuosité du produit et le dommage causé, ainsi que le lien de causalité entre les deux.
Les logiciels, tels que les systèmes d’exploitation, les micrologiciels, les programmes informatiques, les applications ou les systèmes d’IA, sont de plus en plus répandus sur le marché et jouent un rôle de plus en plus important dans la sécurité des produits. Conformément à la nouvelle directive sur la responsabilité du fait des produits, le logiciel est un produit aux fins de l’application de la responsabilité sans faute, quel que soit son mode de fourniture ou d’utilisation.
Un développeur ou un producteur de logiciels, y compris les fournisseurs de systèmes d’IA au sens du règlement (UE) 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil (règlement sur l’IA), devraient être considérés comme des fabricants. Pour évaluer la défectuosité d’un produit, toutes les circonstances doivent être prises en compte, y compris l’effet sur le produit de toute capacité à poursuivre son apprentissage ou à acquérir de nouvelles caractéristiques après sa mise sur le marché ou sa mise en service.
En outre, la défectuosité du produit est présumée lorsque le demandeur démontre que le produit n’est pas conforme aux exigences obligatoires en matière de sécurité des produits prévues par le droit de l’Union ou le droit national qui sont destinées à protéger contre le risque de survenance du dommage subi par la personne lésée.
AICare@EU (déploiement de l’IA dans le domaine des soins de santé)
Malgré des progrès significatifs en matière de recherche et de développement de dispositifs médicaux fondés sur l’IA et/ou sur l’apprentissage automatique, leur présence sur le marché reste relativement limitée et l’intégration de l’IA dans la pratique clinique progresse lentement. Le règlement sur l’IA, le règlement EHDS et la directive sur la responsabilité du fait des produits visent à favoriser la recherche sur l’IA, ainsi que son développement et son déploiement dans le domaine des soins de santé. Toutefois, plusieurs défis doivent encore être relevés afin de garantir la mise en œuvre effective et efficace des outils d’IA et d’accroître l’adoption équitable et juste de l’IA dans la pratique clinique.
Pour relever ces défis, la DG Santé et sécurité alimentaire promeut plusieurs initiatives interconnectées dans le cadre de AICare@EU. Cette initiative s’appuie sur le fondement offert par les cadres législatifs susmentionnés et s’attache à lever les principaux obstacles au déploiement de l’IA dans le domaine des soins de santé, en particulier dans la pratique clinique.
AICare@EU englobe une série d’efforts coordonnés, notamment:
- une étude sur le déploiement de l’IA dans le domaine des soins de santé: cette initiative de la DG Santé et sécurité alimentaire vise à examiner les défis et les catalyseurs du déploiement de l’IA dans la pratique clinique. Ces défis identifiés sont classés en quatre catégories principales: les défis technologiques et liés aux données, les obstacles juridiques et réglementaires, les obstacles organisationnels et commerciaux, et les facteurs sociaux et culturels;
- un appel à propositions de EU4Health (programme de travail 2024) visant à faire progresser l’adoption de l’IA dans le domaine de la santé: cet appel, clôturé en janvier 2025, vise à accélérer le déploiement sûr et effectif des systèmes d’IA dans des environnements cliniques, contribuant à une intégration plus large de l’IA dans le domaine des soins de santé;
- l’IA et les organismes responsables de l’accès aux données de santé – projet SHAIPED (financé à partir de fonds du programme pour une Europe numérique): depuis mars 2025, il pilote le développement, la validation et le déploiement de modèles et d’outils d’IA en utilisant l’infrastructure HealthData@EU de l’EHDS;
- une analyse des priorités essentielles de l’IA conformément aux nouvelles orientations politiques de la Commission pour la période 2024-2029:
- stratégie pour l’application de l’IA: stratégie visant à stimuler de nouvelles utilisations industrielles de l’IA et à améliorer la prestation de divers services publics, tels que les soins de santé. L’initiative de l’UE en faveur des biotechnologies comprend le développement d’un acte législatif européen sur les biotechnologies qui explore les mécanismes visant à accélérer le développement et le déploiement de l’IA et de solutions numériques dans le secteur des biotechnologies, exploitant les données de santé de manière sûre et responsable dans le cadre de l’espace européen des données de santé (EHDS);
- prévention des maladies cardiovasculaires: la priorité est accordée à la prévention, au diagnostic, au traitement et à la réadaptation à la suite de maladies cardiovasculaires (MCV).
- des collaborations internationales sur l’IA dans le domaine des soins de santé:
- la DG Santé et sécurité alimentaire collabore avec l’OMS/Europe afin de soutenir le développement et l’adoption de solutions d’IA en vue d’améliorer les résultats en matière de santé dans toute la région européenne de l’OMS;
- la DG Santé et sécurité alimentaire collabore étroitement avec l’OCDE afin de renforcer encore l’utilisation de l’IA dans le domaine des soins de santé, en mettant l’accent sur la mise en œuvre pratique et l’alignement des politiques;
- la Commission européenne (DG Santé et sécurité alimentaire) coopère avec les partenaires du G7 et du G20 sur différents axes de travail de l’IA dans le domaine des soins de santé.





